Lundi 27 Janvier 2025
LE CACHE TEMPÊTE
Embarquement différé. Moutons en furie dans le bassin n° 1. Celui qui dit qu'il n'y a plus de saison est invité à venir prendre un petit jus au port quand le suroît furoie, quand la tempête tempête. La vraie, celle qui fait valser les poubelles, bataille avec l'indéfrisable de tante Yvonne, abat les arbres sans tronçonneuse. Quand l'Abeille s'tire à Ouessant, l'beau temps fout l'camp. A Brest, on sait ça dans le ventre de sa mère. Quand le vaillant remorqueur monte au front en mer d'Iroise, hache la houle menu, prêt à sortir ses grappins pour sauver femmes, enfants, hommes et navires, c'est qu'il va y avoir du sport. Le zef, dans sa splendeur, fait bouillonner l'eau verte. L'écume volatile saupoudre les quais. C'est la vie de tempête. La vie contre vents et marées. Quand j'étais petite et que j'avais peur des fantômes, je murmurais pour me rassurer "et si c'était le vent ?" Aujourd'hui, je sais que ce vent-là chasse aussi les fantômes. Je le supporte, pour cette raison, un tout petit peu plus. Et si je ne le déteste pas totalement, c'est parce que le vent a des vertus démocratiques. Allez jouer les élégants avec des vents de 130 km à l'heure. Désossés, et, de toute façon, égarés les parapluies. Docker, consul, employé de sous-préfecture, cadre A, ouvrier du port, tous, enfilent le même vêtement sans forme, au col si possible relévé, et d'une couleur indéfinie que, par commodité, nous appellerons "cache-tempête". Ailleurs, en France, où on n'a pas la chance de prendre des coups de chien en plein museau, on lui donne le nom, beaucoup moins seyant, vous en conviendrez, de "cache-poussière". L'uniforme du Brestois n'est pas le pompon rouge, mais le cache-tempête. Le Brestois est un animal amphibie. MF